Trois sénateurs socialistes ont déposé, le 7 octobre, une
proposition de loi visant à reconnaître à l'animal « le caractère
d'être vivant et sensible ».
Cette proposition de loi, déposée par Roland Povinelli
(Bouches-du-Rhône), Roger Madec (Paris) et Roland Courteau (Aude), vise à
étendre à l'animal sauvage la nature d'« être sensible »
actuellement réservée aux seuls animaux domestiques.
Dès lors, un animal sauvage dont l'espèce n'est ni chassable, ni
nuisible, ni protégée ne pourrait plus être blessé, capturé, maltraité
ou mis à mort en toute impunité. Une telle évolution du
droit suppose une modification du code civil et du code de
l\'environnement.
Une seconde proposition de loi, déposée le 7 octobre par Roland
Povinelli et Roger Madec, vise à « punir les sévices graves envers les
animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité ».
L'objectif est l'interdiction des combats de coq ou des corridas.
LAEO se réjouit de cette première approche vers le respect de l'animal et tient à féliciter les trois sénateurs pour cette initiative soutenue par une majorité de Français.
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2013.
PROPOSITION DE LOI
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Damien MESLOT,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La sensibilité à la souffrance d’autrui ne s’arrête plus de nos jours à la souffrance humaine.
Nos contemporains, conscients de la
souffrance que peut ressentir tout être sensible doué de mémoire, ont
étendu aux animaux qui sont sous notre responsabilité cette protection
juridique, quand il s’agit de sévices graves.
Art. 521-1 du code pénal, alinéas 1 et 2 :
« Le fait, publiquement ou non,
d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un
acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en
captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros
d’amende.
À titre de peine complémentaire, le tribunal peut interdire la détention d’un animal, à titre définitif ou non. »
Il ne s’agit donc pas d’établir une
égalité homme-animal, mais de rendre l’homme plus grand par sa volonté
de prendre en compte la souffrance animale quand elle dépend de lui.
Malheureusement, l’alinéa 3 de cet article (les
dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de
taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée.
Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les
localités où une tradition ininterrompue peut être établie) vide de
son sens les principes consignés dans les 2 premiers puisqu’il tolère
une exception à cette protection élémentaire et autorise « ces sévices
graves quand une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ».
Comment le législateur peut-il à la fois
condamner des actes considérés comme contraire à l’éthique et s’incliner
devant le poids d’une tradition en légalisant, en son nom, la
brutalité, la torture et la mort infligées à des taureaux ou à des coqs,
puisqu’il s’agit précisément des spectacles de leur combat ?
Souffrance animale : Nul n’ignore plus
que la souffrance physique est toujours la souffrance, quel que soit
l’être sur qui elle se porte.
Les taureaux programmés pour les corridas
subissent aussi une préparation au combat (hors de la vue du public) ;
il s’agit de diminuer les facultés physiques du taureau pour
l’handicaper dans le combat qui l’opposera au torero, tout en exacerbant
sa nervosité pour susciter une agressivité qu’il n’aurait pas
naturellement.
Les taureaux subissent souvent une
mutilation à vif des cornes. L’ablation porte sur la matière innervée
qui est ensuite repoussée vers la racine… On imagine le supplice auquel
est soumis l’animal.
Dans l’arène, les traitements que
subissent les taureaux scandalisent de plus en plus l’opinion publique.
Le picador enfonce une lance aux arêtes extrêmement affûtées jusqu’à 14
voire 20 cm, pour affaiblir l’animal et le contraindre à abaisser la
tête et, malgré l’interdiction, vrille et fouille la plaie afin de
cisailler le ligament de la nuque.
Puis, le torero plante dans la chair de
l’animal six banderilles munies de harpons en acier coupant de 6 cm de
long, afin de provoquer des hémorragies externes. Vient enfin le « coup
de grâce » à l’aide d’un poignard (puntilla) pour sectionner le bulbe
rachidien. Il est extrêmement rare que le premier coup porté au taureau
lui soit fatal, aussi le matador est-il obligé de s’y reprendre à
plusieurs fois.
Il s’agit de tortures infligées sciemment
à un animal à l’arme blanche, jusqu’à ce que la mort mette fin à cette
attraction dédiée au plaisir de voir souffrir et mourir.
Comment peut-on, en conscience, tolérer qu’au début du XXIe siècle
l’on puisse, pour le plaisir d’un divertissement, faire souffrir et
tuer un animal ? À une époque où le souci de prendre en compte cette
souffrance est un moteur du changement de nos pratiques.
C’est la raison pour laquelle les
législations internationales interdisent progressivement les pratiques
violentes envers les animaux.
La Grande-Bretagne vient d’abolir la chasse à courre.
Le Tadjikistan interdisait, il y a
quelques mois, les combats de coqs qui « portent atteintes au
développement moral des jeunes qui feront preuve de cruauté plus tard
envers les animaux ».
C’est également pour des raisons éthiques
qu’en Espagne, 14 villes de Catalogne se sont déclarées villes
anti-corrida, à commencer par Barcelone « pour non-respect de la
législation sur la protection de l’enfance ».
Éducation de l’enfant : En encourageant des cruautés exercées en public, on pervertit l’éthique à transmettre à nos jeunes.
Amener un enfant à un spectacle qui
accoutume à la souffrance, à la vue du sang, exalte ses passions nocives
en les couvrant d’apparats. Le masque de la beauté, beauté revendiquée
par les aficionados, ne saurait occulter la cruauté. N’est-ce pas une
perversion de l’éducation artistique que de la déconnecter de l’esprit
de compassion ? N’est-ce pas une perversion du mythe de l’héroïsme que
d’inciter les jeunes « à se jouer de la vie » ?
Sur le plan pédagogique, la corrida fait
perdre tout repère à l’enfant. Comment peut-il comprendre qu’il est
autorisé, voire splendide, de planter des harpons sur le dos d’un
taureau mais qu’en revanche il est interdit, voire affreux, de le faire
sur le dos d’un cheval ?
L’absence de repères est à son comble
lorsque l’enfant suit une initiation dès l’âge de 7 ans. Dans les écoles
de tauromachie, l’apprentissage à la cruauté s’exerce parallèlement à
des exercices pratiques sur des veaux et des vachettes : est-ce vraiment
le meilleur moyen d’enseigner aux enfants l’amour des animaux ?
Une tradition ancienne doit-elle
transgresser l’éthique et les valeurs humanistes actuelles que l’on doit
inculquer à nos enfants ?
La cause animale, même si elle n’est pas
une priorité par rapport aux souffrances humaines, est une cause qui
dépend de la volonté humaine. Encore une fois, l’on ne s’attend pas à ce
que les droits humains soient étendus aux animaux. Nous attendons des
représentants de la Nation et des pouvoirs publics ce geste symbolique
dans le sens de la compassion. Nous formulons l’espoir que les
pseudo-raisons économiques, les traditions culturelles d’un autre âge ne
puissent s’opposer victorieusement à la sensibilité de l’homme du XXIe siècle.
La légitimité de la France à soutenir
dans le monde des combats en faveur de la cause animale perd toute
crédibilité si elle n’applique pas chez elle les principes qu’elle
défend ailleurs.
Aussi, j’ai souhaité déposer cette
proposition de loi afin d’interdire la torture des animaux, notamment
lors de corrida ou lors de toute manifestation culturelle impliquant des
sévices faits aux animaux.
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