La chasse à courre, à cor et à cri – également appelée vènerie – consiste à traquer, à l'aide d'une meute de chiens, un animal sauvage (lièvre, renard, sanglier, chevreuil, cerf...) jusqu'à épuisement avant de le « servir », c'est-à-dire le tuer à l'arme blanche.
Le corps de l’animal est ensuite jeté aux chiens lors d'un rituel codifié, la curée. Sa tête est conservée comme trophée, ses pattes coupées et offertes à des invités méritants.
Les chasseurs gardent
parfois quelques morceaux (selon l'état de l'animal). Chaque année, la
France autorise ce divertissement, hérité de l’Ancien Régime, du 15
septembre au 31 mars selon l’article L. 424-4 du Code de
l’environnement. Rappelons que la période du brame débute également à la
mi-septembre. Pendant un mois, le cerf est particulièrement vulnérable :
uniquement animé par la recherche d’une partenaire, il perd son
instinct de fuite vis-à-vis de l’homme. À cet égard, 91 % des Français
souhaitent que les animaux soient protégés de la chasse en période de
reproduction (sondage Ipsos, 2021).
En matière de souffrance animale, le professeur Bateson – biologiste
émérite, expert en zoologie et en éthologie, et membre de la
prestigieuse Royal Society – établissait en 1997, à la demande du
National Trust, un rapport sans appel.
En comparant les échantillons de sang d’un cerf élaphe abattu au
fusil (la même espèce qu’en France) avec celui d’animaux morts durant
une chasse à courre, on trouve une forte concentration de cortisol et
des dégâts au niveau des globules blancs. Autrement dit, les animaux
souffrent d'un énorme stress physiologique et psychologique au cours de
la traque. Ces dommages sont même supérieurs à ceux d'animaux blessés
par balle et mourant des jours plus tard. La poursuite par les chiens
leur impose des contraintes allant au-delà même des limites normales
supportées par leur espèce. Parmi les cerfs qui parviennent à échapper à
la meute, beaucoup gardent des séquelles et certains meurent quelques
heures plus tard d’une intoxication du sang.
Pour les grands animaux (cerfs et sangliers), la mise à mort se fait traditionnellement à la dague ou à l'épieu, afin d’offrir un combat physique entre le maître d’équipage et l'animal, digne des récits de chasse traditionnels du Moyen Âge. Les blessures infligées aux pattes symboliseraient le renoncement de la victime, agenouillée face à son bourreau, avant d’être mise à mort. Quant aux petits animaux (lièvres, chevreuils, renards et lapins) ils sont la plupart du temps massacrés par les chiens, égorgés ou déchiquetés, avant qu’un veneur (chasseur) n’ait le temps d’intervenir.
Pour arriver à leurs fins, les chasseurs ont recours à des chiens de
chasse, triés et créancés (sélectionnés pour chasser un seul type de
gibier) pour un rôle technique et précis. Éléments centraux de cette
pratique, ils sont à ce titre considérés comme des outils. Lorsqu’ils ne
sont pas en chasse (la plus grande partie du temps), ils vivent
entassés en chenil. Les plus vieux ou les moins performants sont
abandonnés à des chasseurs à tir ou tout simplement euthanasiés. Durant
les traques, les chiens courent jusqu'à plusieurs dizaines de
kilomètres, quasiment sans s’arrêter ni boire, avant d’être chargés dans
une camionnette et ramenés au chenil. Il arrive très souvent que des
chiens soient perdus ou abandonnés en forêt après une chasse, ils errent
alors pendant plusieurs jours sur le bord des routes avant d’être, dans
le meilleur des cas, ramassés par un habitant. En 2017, à Compiègne, un
chien de meute est resté trois mois dans un quartier de la ville,
nourri par les riverains, avant d’être récupéré. En chasse, les chiens
sont en première ligne de tous les dangers : précipités dans les
ronciers, traversant des rivières ou des étangs glacés, emmenés sur des
routes fréquentées par des véhicules, ils sont forcés d'affronter les
animaux traqués qui luttent pour leur survie, et nombreux sont
estropiés, éventrés et tués par les sangliers et les cerfs. Chaque
année, des chiens de meute, considérés comme de simples dégâts
collatéraux, meurent sans même que la chasse ne s’arrête.
Quant aux chevaux, harnachés dans des vans, ils attendent des heures
durant avant d’être lancés dans une longue course, le plus souvent sans
échauffement. Ils s’efforcent de suivre le rythme saccadé de la traque,
entre sprints et longs moments d’attente, stressés par la meute. Le
samedi 24 novembre 2018 à Rambouillet, un cheval de 18 ans est mort d’un
arrêt cardiaque en pleine chasse. Beaucoup meurent ainsi de « coup de
sang ». Bon nombre de veneurs ne sont pas des cavaliers chevronnés. Ils
apprennent juste les bases de l’équitation afin de pouvoir participer
aux chasses. Leurs équipements sont inadaptés et brutaux : éperons trop
enfoncés, coups de cravache multipliés, mors à effet de levier sévères,
équipement mal ajusté, entraînements contraignants…
Cette chasse concerne une infime minorité des chasseurs de notre
pays, la majorité d’entre eux y étant d'ailleurs opposée. On recense en
France 400 équipages (10 000 pratiquants, 30 000 chiens et 7 000
chevaux) dans 70 départements. Ils réussissent une prise toutes les
quatre chasses au cours des 18 000 journées où ils envahissent les
campagnes. Cette pratique, qui n'a donc rien d'une « tradition populaire
», ne peut même pas se prévaloir de servir à la « régulation des
espèces ».
Au-delà des problèmes éthiques et des souffrances animales, la
chasse à courre est par ailleurs une source d’incidents et d’insécurité,
en forêt et dans les zones périurbaines voire même urbaines. En raison
des accidents de la route, d’animaux poursuivis à travers les propriétés
privées et jusque dans les centres-villes, des incivilités envers des
promeneurs et d’animaux domestiques tués par des meutes, les frictions
avec les citoyens ne cessent d'augmenter.
Les quelques arrêtés
municipaux interdisant le passage des chasseurs en zone urbanisée sont
souvent bafoués et l'ordre public troublé. La population accepte de
moins en moins de telles pratiques et les oppositions avec les chasseurs
sont de plus en plus récurrentes.
La chasse à courre est interdite dans de nombreux pays européens.
Après l’Allemagne en 1952, la Belgique en 1995 et l’Écosse en 2002,
l’Angleterre et le Pays de Galles ont interdit en 2005 la chasse à
courre sur leur territoire. Notre pays est devenu le terrain de jeu des
équipages de ces pays.
Plusieurs propositions de loi ont déjà été déposées à l'Assemblée
nationale, toutes sensibilités confondues : en 2005 par l'Union pour un
mouvement populaire (UMP), en 2013 par les membres du groupe écologiste
ou en 2018 par la France insoumise. En 2017, une proposition de loi a
également été déposée au Sénat sur ce même sujet. Pourtant, aucune
avancée n'a été obtenue jusqu'ici.
Comme 77 % des Français, dont 71 % sont des ruraux (sondage Ifop,
2022), les signataires de cette pétition réclament l'interdiction totale
et définitive de la chasse à courre, un loisir aujourd'hui dépassé,
inutile et cruel, qui va à l'encontre de la reconnaissance scientifique
des animaux comme êtres sensibles. Il s’agit là également de respecter
la volonté d’une très large majorité de Français et donc d’assurer le
bon fonctionnement de la démocratie.
Hélène Thouy
Avocate au Barreau de Bordeaux et femme politique
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